la fille aux 200 doudous... et autres pièces de théâtre pour enfants
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Acte 2 Aventures écrivains lotois en théâtre






Nuit. Stéphane allongé dans le canapé (qui ne fait pas lit). Scène légèrement éclairée pour la commodité des spectateurs. Entre Paul, en peignoir, titubant.

Paul : - Je viens prendre un Coca dans le frigo... J’ai la gorge sèche... Il me faut quelque chose de doux... Tu veux que je te serve quelque chose, mon cher Stéph ?... J’ai aussi du Perrier... Ou tu veux quelque chose de plus doux ? (élocution de type bourré essayant de parler correctement)

Stéphane fait semblant de dormir.

Stéphane : - I m’a assez barbé au salon, i va pas r’commencer... (pour le public ; de même très éméché)
Paul, très efféminé : - Tu dors déjà, mon ché cher Stéph ?

Silence.

Paul : - Si j’osais... Comme écrivain rien... (Stéphane apprécie) mais le sentir là à deux mètres... Ah !... Je suis prêt à lui promettre le prix Goncourt... Calme Paul... Tu n’as jamais violé personne... (en souriant :) Ou bien j’ai oublié... Ou il sentait pas bon (référence à Jacques Brel, chez ces gens-là).

Paul : - Bon je vais déjà aller chercher un Coca... Ça le réveillera peut-être. Il a bien dit « que ta nuit soit la plus agréable possible »... Il sait ce qu’agréable signifie...

Paul va dans la cuisine, laisse la porte ouverte, fait un maximum de bruit (bouge des chaises, tousse, claque la porte du frigo, pose de la vaisselle...). Il revient.

Paul : - Excuse-moi Stéphane, je viens de m’apercevoir que j’ai fait du bruit, j’avais complètement oublié que tu dormais dans le canapé.

Aucune réponse.

Paul : - Stéphane, tu m’excuses de t’avoir réveillé... (Reprenant son monologue) Ou alors il attend que je le prenne à l’improviste... Ses derniers mots, c’était bien ça... (Stéphane effrayé, serre les poings)... Non, je ne peux pas quand même... S’il se mettait à hurler, il est parfois tellement bizarre... Ça les réveillerait en haut, j’aurais l’air de quoi ?... (Paul réfléchit)

Paul fait tomber sa boîte de Coca, qui explose.
Paul : - Oh ! Je suis vraiment maladroit. Un mâle, adroit !

Après son ricanement de type ivre, Paul va à l’interrupteur, allume. Stéphane doit se montrer éveillé...

Paul : - Je suis vraiment maladroit. Et je t’ai réveillé... Oh excuse-moi, Stéphane. Tu dormais déjà comme un ange...
Stéphane, légèrement dégrisé par la lumière : - Si tu avais une fille, elle aurait sûrement l’âge de me réveiller. J’ai toujours rêvé d’être réveillé par une princesse.
Paul : - Tu sais, je peux te faire des choses aussi agréables qu’une princesse, j’ai une bouche de velours.
Stéphane : - Quelle horreur !
Paul : - Oh ! Tu n’es quand même pas vieux jeu !
Stéphane : - Je t’ai déjà dit, ça doit être hormonal.
Paul : - Je n’y crois pas... Même moi, j’ai essayé avec une femme... Ce ne fut pas grandiose. Tu ne peux quand même pas toujours parler de choses que tu ne connais pas.
Stéphane : - Mais je n’en parle pas. Le sujet ne m’intéresse pas ! On n’est pas de la même planète.
Paul : - Tout homme est, a été, ou sera. Comme tu n’es pas, comme tu n’as jamais été, il faut que tu sois un jour... Donc attendons deux minutes...
Stéphane : - C’est c’qu’on appelle un sophisme...
Paul, rire d’ivresse : - Pourtant parfois ça fonctionne... Et j’ai assisté à des conversions étonnantes... Pour quelqu’un qui se croit totalement hétéro, la première fois est une vraie révélation... J’aimerais bien que tu vives cet instant fort avec moi... Ne passe pas à côté de l’essentiel, Stéphane.
Stéphane : - Ça c’est de la tentative d’embobinement.
Paul : - Ça me ferait tellement plaisir.
Stéphane : - Tu devrais porter un Coca à Christophe.
Paul : - Oh non, puisque j’ai le choix, au moins que ce soit avec un véritable écrivain et en plus beau mec.
Stéphane : - Mais tu n’as pas le choix !
Paul : - Oh !
Stéphane : - Tu voudrais quand même pas que je te vomisse dessus.
Paul : - Si tu prends ton pied comme ça, fais comme tu veux.
Stéphane : - Ton seul choix, c’est aller rechercher un Coca ou remonter sans avoir bu de Coca.
Paul : - Oh !
Stéphane : - Enfin, tu peux aussi aller chercher une serpillière, tu peux même sortir, tu dois connaître Figeac by night sur le bout... des doigts.
Paul, très doux : - Pourquoi tu te moques de moi, Stéphane ?
Stéphane : - Je constate simplement.

Paul s’assied au bord du canapé, se passe la main droite dans les cheveux, sans regarder Stéphane.

Paul : - Y’a des jours comme ça... Où rien ne va. Ces jours-là je les reconnais au premier café. Le premier café qui me brûle la langue. Après j’ai renversé de la confiture d’abricot sur ma chemise. Je vais t’épargner la suite. Quand tu as eu ces paroles exquises, quand tu m’as souhaité une nuit la plus agréable possible, j’ai cru que la loi des séries était vaincue (Stéphane qui soufflait de temps en temps, sourit en balançant négativement la tête). Je ne me suis quand même pas trompé ? (il regarde Stéphane)

Stéphane sourit, balance la tête en signe d’affirmation.

Paul : - Tu crois que j’aurais dû essayer de dormir ? (ne laisse pas le temps à Stéphane de répondre) Mais j’aurais jamais réussi à dormir. J’aurais pensé à toi en t’imaginant m’attendre. Et l’attente, c’est ce qu’il y a de plus beau en amour. (Pause) T’es d’accord avec moi, sur ça, Stéph ?
Stéphane : - T’es d’accord avec moi, Paul, si je te dis, cerveau fatigué n’a plus d’oreille.
Paul : - Oh, ce n’est pas les oreilles le plus important en amour. On fait juste un p’tit câlin, si tu veux...
Stéphane : - Ça commence à devenir gênant, Paul.
Paul : - Prendre ses rêves pour la réalité, c’est pourtant une idée qui t’est chère.
Stéphane : - Prends tes rêves pour ta réalité, va te masturber en pensant à qui tu veux... Et laisse-moi avec mes rêves.
Paul : - Tu penses à ta chanteuse ?
Stéphane : - Je pense à qui je veux. Mon coeur est déjà pris !
Paul : - Mais je ne vise pas aussi haut.
Stéphane : - Tes citations, tu les gardes pour ceux qui les ignorent. La femme à qui je pense, j’espère qu’elle trouverait de tels propos vulgaires. C’est clair, non ?
Paul : - Bon, ne t’énerve pas, tu me dis poliment d’aller me faire voir, d’aller noyer mes idées noires à côté d’un placard, en vidant une bouteille de Ricard.
Stéphane : - Tu ne pouvais quand même pas imaginer que parce que j’avais picolé, j’irais contre ma nature.
Paul : - Mais ça n’existe pas, un hétéro (moue de Stéphane, signifiant : c’est reparti). Tout homme rêve d’avoir quelque chose au moins dans la bouche. Je ne t’ai jamais raconté comment j’ai compris, qu’en fait, ma vie, mon plaisir, ce serait avec le sexe fort.
Stéphane : - Le mieux serait que tu écrives un livre sur le sujet, au moins une nouvelle. C’est peut-être le moment de commencer.
Paul : - Bon, là tu me dis poliment, va écrire.
Stéphane : - C’est encore la meilleure occupation, les nuits d’insomnies. Au moins ça n’embête personne.
Paul : - Je te croyais pas comme ça !
Stéphane : - Je ne t’ai jamais caché mon orientation.
Paul : - Oui mais là, c’est presque de l’homophobie.
Stéphane : - Détrompe-toi !... Plus il y aura d’homos, plus le choix des femmes sera restreint !
Paul : - Les femmes devraient toutes être lesbiennes... Je crois que si tu ne me prends pas dans tes bras, je vais aller me jeter dans la rivière.
Stéphane : - Là c’est du pathos ridicule.
Paul : - Oh merde ! Tu prends rien au sérieux. Tu sais pourtant que je suis un mec sensible.
Stéphane : - C’est bien, va l’écrire. La vraie vie, c’est la littérature.
Paul : - Mais Proust a vécu avant d’écrire cela. Il n’aurait jamais refusé un câlin à un écrivain ami.
Stéphane : - Bon (Stéphane se lève, surprenant Paul toujours à ses pieds ; pieds nus, il porte un tee-shirt et le pantalon du soir), je trouverai bien un hôtel. Ou je retourne chez moi. De toute façon pour vendre trois bouquins demain (il ramasse ses affaires et les fourre dans son sac).
Paul, se lève : - Excuse-moi Stéph, excuse-moi, j’avais cru...

Paul sort et on l’entend monter les escaliers.
Stéphane s’assied sur le canapé, souffle de dépit.

Stéphane : - Non seulement j’aurai une tronche d’enfer à cause de l’alcool... Mais en plus je n’ai entendu que des banalités... Même pas une phrase digne de faire un refrain !...
Pendant ce temps-là, les écrivains mondains sont dans un lit confortable, dans une belle chambre d’hôtel qui va pas puer le Coca... Mais ils se demandent si le président du Conseil Régional a retenu leur nom... Ça sert à rien de côtoyer des écrivains, ils ne valent pas mieux que les voisins. Le seul intérêt d’un écrivain, on le trouve dans ses livres. Qui parmi ces pantins n’a pas pour grand rêve d’obtenir une bourse du Centre National des Lettres, ou à défaut du Centre Régional des Lettres, ou d’animer un atelier d’écriture, ou d’intervenir dans une école ? Qui se soumet à demander ne sera jamais écrivain. Des écrivaillons !
Dès qu’un p’tit bureaucrate d’une vague commission se ramène, ils sont à genoux. Est-ce que Rimbaud aurait quémandé une bourse à des notables ? Plutôt magouiller que s’agenouiller. Plutôt vivre pauvrement que de brouter à leur râtelier...

On entend du bruit dans la chambre au dessus.

Stéphane, soulève la tête et sourit : - Sacré obsédé ! Il est allé voir Christophe ! Sans Coca en plus.


Rideau

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suite : Acte 3 Aventures théâtre sud-ouest


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